Nécrologie Christophe Edouard Mauss

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Journal de Rouenannée 153, n° 357, 23 décembre 1914 (p. 2).


Nécrologie

M. Ch. Mauss


On apprendra avec regret la mort, à un âge très avancé, d’un de nos compatriotes, qui fut un éminent architecte. M. Christophe-Édouard Mauss, décédé à Mont-Saint-Aignan, où il avait depuis longtemps fixé sa retraite. Né à Rouen, le 18 mars 1829, M. Mauss avait fait ses études au Collège de Rouen et faisait partie, depuis très longtemps, de l’Association des anciens élèves du Lycée Corneille, dont il était l’un des doyens et des plus généreux donateurs.

Architecte, élève de Constant Dufeux, il s’était fait remarquer au Salon de 1859 par un intéressant projet de « Maison de secours pour les pauvres ». Depuis, M. Christophe-Édouard Mauss avait été chargé de plusieurs missions archéologiques en Orient, à Salonique, à Smyrne, à Alexandrie. Envoyé par le gouvernement français en 1862 (11/7/1862, jusqu’en juillet 1874) à Jérusalem pour restaurer l’église Sainte-Anne, il découvrit en 1873 dans les voisinages de cette église la piscine de Bethesda souvent citée dans les évangiles de Saint Jean et plus connue sous le nom de Piscine Probatique. Il publia en 1888 sur cette découverte un grand ouvrage avec plans et dessins qui fut fort remarqué, où figure l’ex voto déposé au Musée judaïque du Louvre.

En 1864, Ch. Mauss, en qualité d’architecte du Ministère des Affaires Étrangères, fit partie de la mission de F. de Sauley pour l’exploration de la mer Morte et du pays d’Ammon au-delà du Jourdain. Un de ses plus importants ouvrages à cette époque en 1866 fut la reconstruction de la grande coupole de l’église du saint Sépulcre à Jérusalem — l’œuvre si souvent remaniée de Constantin que M. Mauss exécuta en collaboration avec M. Ettinger architecte du Gouvernement Russe.

La même année, notre savant concitoyen était chargé par le Duc de Luynes de relever l’itinéraire de Jérusalem à Karak, capitale de Moabite et à Chaubak. Il releva les deux plans de ces villes qui figurent dans l’Étude sur le monument militaire des croisés en Syrie de G. Rey.

Depuis, M. Christophe Mauss, qui avait été fait chevalier de la Légion d’honneur en 1866, qui avait souvent passé ses vacances à Bonsecours, chez sa sœur, Mme Goupil, s’était particulièrement intéressé aux questions de météorologies en Sienne. Il a ainsi publié L’église de Saint Jérémie d’Abougosch avec une étude sur le stade au temps de Saint Luc et de Flavius Josephe, en 1892, puis des travaux sur La Pile de Charlemagne et le SA du Prophète ; sur les poids français comparés aux poids anglais ; sur Le Rail Wafy du Musée égyptien du Louvre en 1895 ; une étude sur Le Rectangle des Khorsabald et La Théorie générale des mesures antiques ; un très important ouvrage, Loi de la Numismatique musulmane, Classement par séries et par ordre de poids des monnaies arabes du Cabinet des médailles de Paris, paru en 1898.

Dans le Recueil des travaux d’archéologie égyptienne et assyrienne, en ces dernières années, il avait également publié des études sur La Colonne du temple élamite de Chouchinak (au Musée Morgan au Louvre) ; sur le Lion de Khorsabad et le Lion de Suse ; sur les mesures ouvrières. Il s’était de même intéressé aux anciennes mesures normandes. Enfin, il faut citer encore quelques études de lui sur Emmaüs et sur l’Invention du tombeau de Sainte Anne à Jérusalem.

Comme on le voit, notre regretté concitoyen, M. Christophe Mauss qui vient de disparaître, était un artiste et un savant de très haute valeur, qui ne laissera que des regrets très vifs et très mérités autant par son talent que par son caractère.

G. D.